Les anti-inflammatoires (AINS), ce que tu dois savoir !

Que tu sois coureur, cycliste, triathlète ou passionné d’autres sports d’endurance, tu as sûrement déjà entendu parler ou même utilisé des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), comme l’ibuprofène. Ces médicaments sont populaires pour leur capacité à calmer la douleur et réduire les inflammations, ce qui peut sembler utile en entraînement ou en compétition. Mais, s’ils sont parfois efficaces, leur usage n’est pas sans danger, surtout dans le contexte d’efforts intenses et prolongés. Alors, avant de sortir une boîte de cachets pour anticiper les douleurs, voyons ensemble ce que tu dois absolument savoir sur les AINS et leur impact sur ton corps.

Les anti-inflammatoires : est-ce du dopage ?

Des études montrent qu’une grande proportion des athlètes amateurs, environ 60 %, utilisent régulièrement des AINS sans toujours consulter de médecin. Chez les triathlètes, ce chiffre monte même à 84 %. Les AINS ne sont pas interdits par l’Agence mondiale antidopage, mais leur utilisation préventive reste controversée. Contrairement à une idée reçue, prendre un AINS avant une course pour prévenir la douleur n’est pas sans conséquences. C’est pourquoi, les organisations de Trail Running telles que l’UTMB ou récemment le Festival des Templiers ont pris le parti de tester les athlètes élites afin de sensibiliser les coureurs à la dangerosité de l’utilisation des AINS.

Effets secondaires des anti-inflammatoires : l’envers de la médaille

Les AINS peuvent être des alliés dans certains cas précis, mais ils viennent avec une série d’effets secondaires non négligeables, que ce soit pour ton système digestif, tes reins ou ton cœur.

  1. Effets Gastro-Intestinaux : L’usage régulier des AINS augmente les risques de gastrites et d’ulcères. Lors des épreuves d’endurance, le sang est davantage dirigé vers les muscles, privant ainsi le système digestif de l’oxygène dont il a besoin. Cela peut provoquer des crampes abdominales et, dans certains cas, t’obliger à abandonner la course.
  2. Effets Rénaux : Les prostaglandines, inhibées par les AINS, sont essentielles au bon fonctionnement des reins. En plein effort et dans un contexte de déshydratation, le risque d’insuffisance rénale est nettement augmenté. En plus, les AINS peuvent contribuer à une hyponatrémie (hyperhydratation), un état dangereux encore mal compris mais bien présent lors d’ultra distances.
  3. Risques Cardiovasculaires : Les AINS peuvent faire monter la tension artérielle, un effet qui devrait te dissuader surtout si tu es sous traitement pour l’hypertension.

Peut-on éviter les anti-inflammatoires ?

Pour beaucoup, les AINS semblent la solution miracle pour calmer la douleur après un entraînement important ou avant une compétition. Le repos, une alimentation équilibrée, une hydratation adéquate et l’écoute de son corps sont les meilleures solutions pour bien se rétablir. Si vous souffrez d’une douleur, mieux vaut prendre le temps de guérir complètement, même si cela signifie renoncer à une compétition. Il y a régulièrement des courses, et il est plus judicieux de penser à long terme plutôt que de se tourner vers l’automédication juste pour être au départ. Écouter les besoins de son corps et se préparer dans de bonnes conditions contribueront à de meilleures performances sur la durée.

Que dit la science dans tout ça ?

Les chiffres sont sans appel : une étude à recensée que sur 327 triathlètes étudiés, 59,9 % ont consommé des anti-inflammatoires durant les trois mois précédant la compétition. Parmi eux, 25,5 % en ont pris la veille, 17,89 % juste avant et 47,4 % pendant la course.

Le principal effet secondaire connu est l’atteinte gastro-intestinale, chez 58,7 % des utilisateurs, et une proportion de 27,7 % a souffert de complications rénales, souvent ignorées. Ces chiffres mettent en lumière les dangers potentiels d’une consommation régulière d’anti-inflammatoires sans surveillance médicale.

Une autre étude a mis en évidence que sur un échantillon de 129 athlètes amateurs, 68 % (n = 88) ont déclaré avoir utilisé des AINS au cours des 12 mois précédents, avec des taux particulièrement élevés chez les triathlètes (84,4 %), les coureurs (70,9 %) et les cyclistes (52,5 %). Parmi eux, l’ibuprofène était de loin le médicament le plus consommé. Ce qui est particulièrement alarmant, c’est que les effets indésirables de ces médicaments étaient mal connus : seulement 26 % des utilisateurs avaient été conseillés par un médecin ou un pharmacien.

Les résultats sont parfois surprenants….

Une étude récente a examiné l’impact de l’ibuprofène sur les athlètes participant à l’ultratrail Western States de 160 km. L’objectif principal était de mesurer l’effet de l’ibuprofène sur l’inflammation entre autres. 29 ultratraileurs ont pris 600 mg d’ibuprofène la veille de la course et 1200 mg le jour de la course, tandis que 25 témoins ont évité tout médicament.

Cette étude met en évidence que l’utilisation d’ibuprofène durant une course de 160 km n’a pas modifié les lésions musculaires ou les douleurs post-course (DOMS), mais a été associée à des signes plus marqués d’inflammation. Ce constat souligne le paradoxe de l’automédication : l’ibuprofène peut masquer la douleur sans prévenir les dégâts réels, et peut même aggraver certains processus inflammatoires et physiopathologiques dans le corps. Ainsi, bien que l’envie de prendre le départ d’une course soit forte, il est essentiel de penser à la santé à long terme, plutôt qu’à la gestion immédiate de la douleur.

Enfin, Le traitement des blessures, notamment les tendinopathies et les inflammations chroniques, qui sont fréquentes chez les sportifs d’endurance, pourrait expliquer cette forte prévalence de consommation d’AINS. Cependant, ce recours à l’automédication peut cacher des symptômes sous-jacents et causer des dommages durables à la santé, tout en agissant comme un simple pansement temporaire. Mieux vaut donc privilégier le repos et la guérison complète pour éviter des complications à long terme et préserver son potentiel physique.

    Ne masque pas la douleur à tout prix

    La douleur est souvent un signal d’alerte, un moyen pour ton corps de te dire qu’il a besoin de repos ou qu’il y a une blessure. Masquer la douleur avec des AINS pour reprendre l’entraînement plus vite n’est pas une solution durable et peut même empirer la situation. Prends le temps de guérir complètement et pense à un retour progressif en écoutant ton corps. Si nécessaire, consulte un professionnel de la santé spécialisé en sport pour des conseils adaptés à ta pratique.

    Alors, la prochaine fois que tu t’apprêtes à prendre un AINS avant une compétition ou un entraînement, réfléchis-y à deux fois. Tu as maintenant les clés pour faire un choix éclairé et préserver ta santé sur le long terme.

    Références :

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